L’excès de plaisir solitaire peut-il rendre agressif ? Déconstruire les idées reçues sur la masturbation
« Homme de 43 ans. Est-ce que l’excès de plaisir solitaire peut me rendre agressif ?»
Cette question m’a été posée récemment, et elle reflète une inquiétude assez répandue : celle que la masturbation, lorsqu’elle devient fréquente, puisse avoir un impact sur le comportement, notamment en générant de l’agressivité.
Alors, le plaisir solitaire rend-il agressif ? Tentons d’y voir plus clair, entre croyances culturelles, réalités biologiques et idées reçues héritées de siècles de culpabilité.
La masturbation : un apaisement plus qu’une tension
À première vue, l’auto-masturbation a pour principe d’apaiser, de soulager et de détendre. C’est une activité naturelle, pratiquée par la majorité des personnes, quel que soit leur âge ou leur genre. Certaines l’utilisent même pour s’endormir ou pour diminuer le stress.
D’un point de vue physiologique, la masturbation stimule la libération d’endorphines, de dopamine et d’ocytocine : trois hormones associées au plaisir, à la détente et au bien-être.
Autrement dit, la masturbation calme. Ce serait même le manque ou la contrainte à ne pas pouvoir le faire – par tabou, culpabilité ou interdiction – qui pourrait générer frustration, tension, voire irritabilité.
Quand la frustration devient agressivité
Je travaille régulièrement auprès d’institutions accueillant des enfants, des adolescent·es et des adultes, avec ou sans handicap mental ou moteur. Dans certains établissements où la bientraitance sexuelle est encore difficile à aborder, on observe des comportements agressifs qui peuvent, parfois, être liés à l’impossibilité d’exprimer sa sexualité, y compris par la masturbation.
L’agressivité ne vient donc pas du plaisir solitaire, mais plutôt de son empêchement ou de la culpabilité qu’on y associe.
Une histoire de mots et de morale
Pour mieux comprendre pourquoi cette question continue de revenir, il faut remonter un peu dans le temps.
L’expression plaisir solitaire apparaît au XIXᵉ siècle, à une époque où la masturbation est fortement culpabilisée. Le simple fait de ne pas nommer l’acte, de le dissimuler derrière des euphémismes, trahit une honte sociale profondément ancrée.
Au XVIIIᵉ siècle, le médecin suisse Samuel Auguste Tissot publie un ouvrage influent : L’onanisme, dissertation sur les maladies produites par la masturbation (1760). Il y présente la masturbation comme une pratique « scandaleuse » et dangereuse pour la santé.
Ses écrits ont marqué durablement les mentalités, en diffusant l’idée que ce plaisir « donné à soi-même » était néfaste, tant physiquement que moralement.
Ces conceptions ont laissé des traces. Même aujourd’hui, certains discours continuent de véhiculer cette peur du plaisir individuel, alors que la science moderne n’a jamais confirmé ces prétendus effets nocifs.
L’excès : une question d’équilibre, pas de culpabilité
Le mot excès revient souvent dans les questions sur la sexualité. Pourtant, il n’y a pas de seuil universel au-delà duquel la masturbation deviendrait « trop ».
Ce qui compte, c’est l’impact sur le quotidien :
Si la masturbation devient compulsive au point d’interférer avec la vie sociale, professionnelle ou relationnelle, il peut être utile d’en parler à un·e sexologue.
En revanche, si elle reste un moyen de détente, de plaisir ou de découverte de soi, il n’y a rien d’anormal.
En résumé, le plaisir solitaire ne rend pas agressif. Ce sont plutôt les interdits, la honte et la privation qui génèrent tension et colère.
En conclusion
La masturbation est une pratique naturelle, saine et sans danger pour la santé mentale ou physique. Elle n’entraîne pas d’agressivité ; au contraire, elle participe souvent à une meilleure connaissance de soi et à un équilibre émotionnel.
Il est temps de déculpabiliser le plaisir individuel, de parler de sexualité sans tabou, et de remettre en question les croyances héritées de siècles de répression morale.
Et pour celles et ceux que le sujet intéresse, je vous invite à (re)lire mon article sur les injonctions érectiles, qui explore la manière dont la société façonne encore notre rapport à la performance sexuelle.
Questions fréquentes
La masturbation peut-elle rendre agressif ?
Non. Elle a plutôt un effet relaxant grâce aux hormones du plaisir libérées pendant l’acte.
Peut-on se masturber trop souvent ?
Seulement si cela devient une contrainte ou interfère avec la vie quotidienne. Sinon, c’est sans danger.
La masturbation a-t-elle des effets sur le cerveau ?
Oui, positifs : elle active les circuits du plaisir et réduit le stress.
L’abstinence sexuelle rend-elle plus agressif ?
Chez certaines personnes, la frustration liée à l’abstinence forcée peut générer irritabilité ou tensions émotionnelles.
Très intéressant