Quand le désir s’éteint… temporairement
Je ne prenais plus de plaisir.
Quelle contraception pourrait me redonner envie, même si j’aimerais allaiter longtemps afin de repousser les rapports ?
Sonia
Cette question m’a été posée en mai 2025.
Il a fallu beaucoup de courage à cette femme pour l’envoyer, et elle mérite qu’on s’y attarde. Elle ouvre la porte à un sujet sensible : le désir absent après l’accouchement, le corps en transition, et la pression de « reprendre » une sexualité alors même que la femme traverse une transformation physique, hormonale et identitaire.
En tant que sexologue, je reçois régulièrement des femmes en consultation qui formulent les mêmes interrogations : est-ce normal de ne pas avoir envie ? Pourquoi est-ce que je me sens coupable ? Pourquoi la contraception est-elle déjà proposée alors que je ne veux pas encore penser à la sexualité partagée ?
Bienvenue dans Parlons Culture, le podcast et maintenant blog où l’on parle de sexualité avec nuance et sans détour. Aujourd’hui, on s’attaque à un sujet parfois mal posé et souvent mal traité : la sexualité après une grossesse.
Pour la version à écouter, c’est par ici -> Le post-partum badabum
Le corps après l’accouchement : transformation et récupération
Un accouchement n’est pas un événement anodin. Qu’il s’agisse d’une voie basse ou d’une césarienne, le corps subit un effort physiologique immense, une réorganisation hormonale complète et parfois des déchirures ou des cicatrices. Dans mon cabinet, j’entends des femmes dont le désir est absent pendant des mois, voire des années. Cela ne signifie pas qu’elles ont un trouble, mais simplement qu’elles ont un corps qui récupère, des nuits sans sommeil et une identité de mère à apprivoiser.
Selon une étude publiée dans The Journal of Sexual Medicine (2020), la prévalence des troubles sexuels se situe entre 41 % et 83 % dans les 2 à 3 mois suivant l’accouchement, puis environ 64 % à 6 mois, avec souvent une amélioration progressive, mais pas toujours un retour complet au niveau pré-grossesse.
Une étude menée aux Pays-Bas sur 594 femmes a identifié les principaux problèmes post-partum : baisse du désir, activité sexuelle réduite, difficulté d’excitation, douleurs, lubrification diminuée et difficulté à atteindre l’orgasme. Et pourtant, peu de femmes en parlent spontanément, par peur d’être jugées.
La visite post-partum, généralement autour de 6 semaines après l’accouchement, est souvent l’occasion de poser la question qui revient en boucle : « Vous avez repris les rapports ? » Cette question, posée avant même de parler de l’état émotionnel, de la fatigue ou de la réorganisation familiale, devient une norme implicite. C’est une injonction qu’il faut déconstruire.
Contraception post-partum : un outil, pas un déclencheur de désir
Une phrase de la question m’a particulièrement interpellée : « Quelle contraception pourrait me redonner envie ? »
C’est une confusion fréquente mais bien étrange. La contraception est un outil pour éviter une grossesse, elle ne relance pas la libido, ne recrée pas l’intimité et ne guérit pas un non désir.
Certaines méthodes sont compatibles avec l’allaitement :
Pilule progestative
Stérilet au cuivre
Implants hormonaux
D’autres méthodes, comme la pilule ostro-progestative, sont déconseillées pendant les premières semaines ou pendant l’allaitement.
Il existe aussi la méthode MAMA (Méthode de l’Allaitement Maternel et de l’Aménorrhée), reconnue par l’OMS. Elle repose sur trois critères : allaitement exclusif ou quasi exclusif, bébé de moins de 6 mois, et absence de retour des règles. Son efficacité théorique atteint 98 %, mais elle nécessite une rigueur que toutes ne souhaitent pas ou ne peuvent pas maintenir.
En consultation, je rappelle souvent : la contraception est un choix médical, pas un déclencheur affectif. Elle ne fera pas revenir soudainement le plaisir ou le désir.
La pression invisible du partenaire
Derrière la question de la reprise sexuelle, il y a parfois un partenaire qui attend, voire qui insiste. Cette attente devient une pression subtile mais bien réelle. Mais la frustration du partenaire ne doit pas devenir la boussole du calendrier sexuel.
Certaines femmes expriment : « Il me regarde avec envie, mais moi je n’ai pas encore retrouvé mon corps ». Ces phrases, je les entends des centaines de fois. Elles traduisent une réalité corporelle et émotionnelle que nous devons entendre et respecter.
Redéfinir la sexualité en couple
La sexualité post-partum ne commence pas uniquement au moment où la pénétration reprend. Il est possible d’explorer :
La sensualité
Le toucher
La tendresse
Et la complicité non sexuelle
Certaines femmes reprennent la sexualité coïtale après un mois, d’autres après deux ans, et il n’existe aucune norme universelle.
Le post-partum est une période où « intimité » peut vouloir dire autre chose. Nommer ces différences sans honte est fondamental.
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Quand le post-partum réactive des traumatismes
Une grossesse peut également réactiver des traumatismes anciens, y compris des agressions sexuelles subies dans l’enfance. Les violences conjugales peuvent commencer ou survenir pendant la grossesse.
C’est pourquoi les consultations sexologiques post-partum ne portent pas uniquement sur la sexualité, mais aussi sur la relation dans le couple. La vigilance, le soutien et l’accompagnement par des professionnels sont essentiels.
Si vous êtes concerné·e, n’hésitez pas à contacter le 3919 Violences Femmes Info pour une écoute et un accompagnement confidentiel.
Le droit de ne pas vouloir
Le désir ne se commande pas. Il s’écoute, se reconstruit, se reformule, et ne revient pas toujours là où on l’attend.
Ce n’est pas à la médecine de définir ce qu’est une sexualité « normale » après un accouchement.
pas aux proches de suggérer qu’il est temps de s’y remettre.
ni à la femme de se justifier si elle ne veut pas.
Chaque corps a son rythme, chaque parentalité son vertige, chaque désir sa temporalité. Parfois, ça commence par le droit de ne pas vouloir, par le droit d’être fatigué, par le droit de ne rien faire.
La sexualité post-partum est aussi une invitation à développer l’empathie pour soi-même et pour son couple. Il existe des solutions et des outils, des conversations guidées et des ateliers pour que la sexualité devienne vivante et non figée.
Et souvenez-vous : le plaisir peut prendre bien des formes et la tendresse peut chanter plus fort que les normes.