On pourrait croire que la sexualité est un sujet trop sérieux pour prêter à rire. Et pourtant, la question revient régulièrement : « Pourquoi intégrer de l’humour dans les consultations de sexologie ? »

C’est précisément parce que parler d’intimité n’a rien d’évident que l’humour devient un outil précieux. Pas pour minimiser les difficultés. Pas pour ridiculiser les vécus. Mais pour créer un espace où les émotions se relâchent, où la parole circule, où la confiance grandit.

Dans cet article, je t’explique pourquoi le rire a sa place dans l’accompagnement sexologique, comment il peut renforcer la relation thérapeutique, et en quoi il participe à un travail profondément humain.

L’humour : un mécanisme de résilience reconnu

Le mot résilience est parfois utilisé à toutes les sauces. Pourtant, il désigne un processus psychique sérieux, décrit et étudié.

Le psychiatre et neuropsychiatre Boris Cyrulnik explique que l’humour est l’un des moyens qui permettent de transformer une douleur en un récit partageable.

Source : Boris Cyrulnik, Les Vilains Petits Canards, 2001.

Loin d’être superficiel, l’humour est donc une façon de mettre en mots ce qui ferait trop mal à dire frontalement. Il constitue un pont émotionnel entre l’expérience intime et sa mise en récit.

Dans une consultation sexologique, où l’on parle corps, désir, honte, échecs, blessures, il devient une petite soupape de sécurité.

Un souffle léger dans un sujet parfois lourd.

Rire ensemble : un acte de confiance, jamais de moquerie

Pouvons-nous rire de tout ? Est-ce bienveillant de rire du malheur des autres, des problèmes des autres ?
Non, si on se moque.
Oui, si on rit ensemble.

La nuance change tout.

En sexologie, l’humour n’a jamais vocation à se moquer. Il est toujours consenti, partagé, soutenant.
Il ne vient pas diminuer l’importance d’un problème, mais alléger le poids qui l’accompagne.

Je pense à cette patiente qui m’a raconté avoir perdu une dent sur un premier date.
Le récit était sincère, vulnérable… et hilarant.
Nous avons ri ensemble, et ce rire n’a jamais effacé sa gêne : il l’a rendue exprimable.

Je pense aussi à ce couple qui, après des exercices à faire à la maison, décrit avec sérieux le “décorum” romantique installé : peau de bête près de la cheminée, ambiance digne d’un téléfilm… Il ne manquait que le peignoir léopard.
On est parti en éclats de rire, simplement parce qu’être humain, c’est parfois être un peu cliché.

Ce que l’humour change dans la relation thérapeutique

L’humour, lorsqu’il est ajusté et bienveillant, permet de :

Créer une alliance thérapeutique plus solide
Rire ensemble, c’est signifier que l’espace est sûr.
Que la relation tient.
Que le corps peut se détendre et que la parole peut se délier.

Réduire l’anxiété autour du sujet sexuel
Parler de sexualité, ce n’est pas anodin.
L’humour dégonfle les moments de tension, désamorce la honte et fait tomber la pression.

Redonner de la légèreté à une sexualité parfois vécue comme pesante
La sexualité devrait être un espace de liberté, de jeu, de plaisir et parfois… de maladresses délicieuses.
Ramener un peu de rire, c’est rappeler cette dimension ludique.

Humaniser l’espace thérapeutique
Le rire rapproche sans jamais déprofessionnaliser.
C’est un moment où deux êtres humains se reconnaissent dans leurs fragilités et leurs absurdités.

Rire sans blesser : la ligne éthique

Le rire doit toujours être un allié, jamais une arme.
Je me freine parfois, par prudence, par respect, pour ne jamais heurter.

L’humour thérapeutique est un équilibre subtil :

• assez présent pour apaiser,
• assez léger pour soutenir,
• toujours ajusté pour ne pas blesser.

Mon objectif est simple : rire avec les patient·es, jamais d’eux.
Parce que dans le travail sexologique, l’humour n’est pas un gadget.

C’est un outil relationnel, un facteur de résilience, un moyen de ramener la sexualité à ce qu’elle devrait toujours être : vivante, libre, légère, et profondément humaine.