Naturisme, enfance et protection : interroger les idées reçues
L’actualité date de quelques semaines déjà, mais elle continue de m’interpeller. En France, la présence d’enfants dans les espaces naturistes, notamment au Cap d’Agde, a suscité de vives réactions. Certains affirment que ce n’est « pas leur place », au motif qu’ils risqueraient d’être exposés à des prédateurs et des prédatrices.
C’est précisément cette idée que je souhaite questionner.
Après 22 ans d’écoute de récits de violences sexuelles, je peux affirmer une chose : les agressions peuvent survenir partout. Dans un avion plongé dans le noir, avec des passagers à quelques centimètres. Dans un buisson, sur le trajet de l’école. Dans une maison de vacances, au milieu des rires d’une cousinade.
Le lieu ne fait pas le crime. C’est le lien de confiance, ou son absence, qui fait toute la différence.
Je ne suis pas spécialiste des espaces naturistes. Mais j’ose espérer qu’ils peuvent, comme d’autres, permettre aux enfants d’exprimer s’ils ont été blessés, dérangés, abusés. Ce n’est pas la nudité qui fait problème, c’est le silence.
Pudeur et consentement : des constructions à accompagner
J’ai lu aussi que l’on évoquait la pudeur et le consentement. Avant 5 ou 6 ans, la pudeur se construit à peine. Elle se développe ensuite, selon le parcours de chaque enfant. Mais c’est précisément pour cela qu’il faut les accompagner, les outiller, leur permettre de dire.
Quant au consentement, je suis claire : c’est un immense chantier. Trop souvent, les adultes ne prennent pas au sérieux le consentement des enfants. Travaillant auprès d’institutions depuis longtemps, je sais combien ce sujet reste sous-traité.
Petite histoire du naturisme
Le naturisme, tel qu’on le connaît aujourd’hui, n’est pas né d’une fantaisie moderne mais d’un courant philosophique et social apparu en Europe au début du XXe siècle.
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En Allemagne, dès les années 1900, le mouvement de la Freikörperkultur (culture du corps libre) associe nudité, hygiène de vie, sport et contact avec la nature. Il s’agit de retrouver une harmonie entre le corps et l’esprit, loin des contraintes sociales et industrielles.
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En France, le naturisme prend son essor dans les années 1920–1930, avec la création de clubs et de revues militantes. La nudité est perçue comme un moyen de promouvoir la santé, l’égalité et la liberté. Après la Seconde Guerre mondiale, le mouvement s’organise et gagne en popularité, notamment sur les plages.
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Le naturisme familial devient rapidement la norme dans la plupart des espaces officiels : villages, campings, associations. La philosophie revendiquée est celle d’une nudité simple, débarrassée de connotations sexuelles, où la présence d’enfants et de familles entières est centrale.
Aujourd’hui, les fédérations naturistes défendent un cadre clair : respect des personnes, des générations et des règles de vie collective. Le naturisme se veut d’abord un projet éducatif et social, visant à normaliser le corps, réduire les tabous et renforcer la confiance en soi.
Écouter, avant tout
Ma chronique ne changera sans doute pas le monde. Mais si elle peut rappeler qu’un enfant protégé est avant tout un enfant écouté, alors j’aurai atteint l’essentiel.
Si vous avez un doute ou constatez une situation préoccupante, n’hésitez pas à alerter les services compétents et/ou une association spécialisée.
